Vous êtes plusieurs à m’avoir demandé un article pour ceux qui n’ont pas de jardin, sur l’aménagement de son balcon ou de sa jardinière… or je n’ai pas de balcon et mes plantes en pots pourraient porter plainte pour non-assistance à végétal en danger !
Malgré cela j’ai quand même décidé de relever le défi, et comme je n’aime pas les articles putàclic avec un contenu très limité (comme la suggestion de 3 plantes à faire cohabiter dans sa jardinière), je me suis mise au défi de vous expliquer la permaculture et ses principes via l’aménagement de votre balcon (ou cour, terrasse voir même appuie de fenêtre).
Mais avant toute chose, une petite définition de la permaculture s’impose…
Vous pensiez que la permaculture n’était qu’une histoire de jardinage avec des associations de légumes et des buttes ? Que cette discipline n’était réservée qu’aux heureux propriétaires de terrain non bétonné ou qu’aux Bobos écolos fans de potager ? Détrompez-vous !
Si à l’origine la permaculture, contraction des mots « agriculture et permanente », ne concernait que l’agriculture (et par dérive les jardiniers potagistes), cette méthode initiée par Bill Mollison et David Holmgren dans les années 70 visant à la « conception d’environnements humains soutenables » c’est ensuite étendue à bien d’autres domaines puisque les « environnements humains » sont nombreux. Et votre balcon en fait partie !
Aujourd’hui il est plus que temps de penser et de concevoir nos environnements de façon soutenable, c’est-à-dire de façon à assurer leur résilience et leur durabilité d’un point de vue écologique, économique et social. C’est ça la permaculture ! Et si on peut l’appliquer à son jardin, on peut aussi la mettre en pratique pour son balcon, sa maison, son entreprise, sa ville, … et même au monde entier (rêve absolu d’une nécessité qui l’est tout autant…) !
Faire de la permaculture c’est bien plus que faire une butte ou du jardinage, c’est une façon de faire, une façon de penser, une façon de vivre. C’est aussi respecter ces 3 piliers : pendre soin de la Nature (sol, eau, air, forêts, …), prendre soin des Humains (soi-même, sa famille, sa communauté, …) et partager équitablement (limiter sa consommation et redistribuer les surplus).
Ses porte-paroles ont énoncé différents principes de conception, je me suis appuyée sur ceux du père fondateur, Bill Mollison, pour rédiger cet article en les illustrant d’exemples concrets pour le design d’un balcon.
Prévoir l’efficacité énergétique :
Il faut avant toute chose réfléchir aux flux d’énergies externes (vent, soleil, eau, …) et internes (humains, animaux, …) au système que l’on met en place pour pouvoir les gérer de façon optimale et en limiter les pertes ou les fuites énergétiques.
Avant d’aménager votre balcon, il vous faudra observer où et quand frappe le soleil, et quels sont les endroits du balcon exposés au vent et à la pluie. Un autre élément à prendre absolument en compte est le poids maximum que le sol de votre balcon peut porter.
Il faudra penser également aux occupants du balcon et à leurs habitudes, ceci afin de déterminer les éléments essentiels à installer comme par exemple une petite table et banquette pour les petits déjeuner en famille ou le panier du chien qui aime profiter du soleil tout en pouvant surveiller le coin de la rue.
Analyser ainsi tous ces flux d’énergie vous permettra de connaitre les caractéristiques des différents endroits de votre balcon ainsi que d’établir la liste des éléments dont vous avez besoins.
L’emplacement relatif :
L’emplacement de chaque élément du système le mets en relation, ou non, avec les autres éléments. On va donc choisir ces emplacements soigneusement de manière à ce que les éléments interagissent et coopèrent entre eux, que les productions soient justement utilisées et les besoins satisfaits.
Un parasol qui fait de l’ombre sur la balustrade et non sur le banc n’a que peu d’intérêt à cet emplacement, il faudra le déplacer pour qu’il soit efficace, vous en conviendrez facilement.
Il en va de même pour chaque élément que vous souhaitez intégrer à votre balcon, chaque chose à Sa place et cette place se fera en fonction des conditions d’exposition (soleil, vent, …) et d’utilisation des différentes zones du balcon ainsi que des différents éléments à intégrer.
Par exemple, une plante grimpante pourra, selon son emplacement, cacher soit une gouttière, soit le soleil et peut-être même les deux. En choisissant bien son emplacement, on pourra augmenter son bénéfice au système, ce qui permettrait ici de surcroît de se passer du parasol et donc de gagner de la place pour un autre élément.
La circulation d’énergie :
Les énergies et l’eau circulent et sont recyclées sur le lieu.
L’eau est essentielle pour arroser nos plantes et celle de pluie est à privilégier. On va donc installer un récupérateur d’eau de pluie sur la gouttière du balcon ( il existe des modèles de petites dimensions qui permettent leur mise en place sur de petits espaces).
Il faudra aussi nourrir les plantes en pots dont le substrat s’épuise. Plutôt que d’acheter du terreau et des engrais en jardinerie, installer un lombricomposteur permet de recycler une partie de ses déchets organiques pour produire sur place tout ce qu’il faut pour chouchouter ses plantes (ou encore mieux, un compost, mais je vous le déconseille sur un balcon). Un lombricomposteur est donc un élément plus qu’intéressant à installer sur son balcon. Il faudra toutefois prévoir une place pour le rentrer l’hiver s’il gèle ou s’il fait plus de 35°C.
L’effet bordure :
Les bordures (zones de rencontres de différents éléments comme par exemple la lisière d’une forêt) sont des zones à privilégier car elles sont extrêmement riches en biodiversité. Non seulement elles bénéficient des apports des systèmes qui la composent (exemple : la faune et la flore de la clairière y jouxte la faune et la flore de la forêt) mais elles possèdent également des caractéristiques singulières particulières (la lisière bénéficie également d’une faune et une flore typique).
Dans ce cas-ci, c’est plutôt votre balcon qui va devenir un élément supplémentaire dans la jungle urbaine et participer à l’effet bordure. Pour peu que vous y installiez suffisamment de plantes, particulièrement si optez pour des plantes indigènes et non des cultivars horticoles, votre balcon deviendra un élément du maillage écologique nécessaire à la Vie sauvage. Il s’intégrera dans le corridor écologique créé par tous les endroits dédiés à la Nature, du plus grand au plus insignifiant, et qui sont essentiels à la survie de nombreuses espèces.
Voilà une raison de plus faire de la place à la Nature sur votre balcon en y intégrant le plus possibles de plantes indigènes (les plus aptes à nourrir nos insectes butineurs) et mellifères (*).
N’hésitez pas à « déborder » en investissant d’autres zones que le sol avec des plantes en pots (surtout quand on a peu de place, l’espace au sol est déjà précieux pour circuler et installer certains éléments « humains ») : donnez à vos plantes de la hauteur en les plaçant sur des étagères le long des murs, dans des suspensions en macramés, le long de la balustrade (mais pas côté extérieur pour des raisons de sécurité évidente – dérogation accordée aux balcons du rez-de-chaussée).
Enrichissez également votre balcon d’éléments intéressant pour la petite faune si vous avez des emplacements le permettant, comme une mangeoire pour oiseaux (uniquement en hiver !), une fontaine ou bain d’oiseaux (ou même juste une petite coupelle d’eau), un gite à insecte (et pas un HLM), un nichoir à oiseaux ou à chauve-souris, …
Chaque élément doit avoir plusieurs fonctions :
L’accumulation des fonctions pour un même élément rend le système plus performant sur un plus petit espace.
Et de l’espace, on en manque toujours sur un balcon, d’où l’intérêt de bien appliquer ce principe ! Avec de l’imagination et un emplacement adéquat, chaque élément d’un système peut avoir de multiples utilisations. Par exemple, une planche ajourée fixée avec une bonne paire de charnière et judicieusement positionnée peut servir de table en position horizontale ou être repliée en position verticale vers le bas pour faire de la place au transat ou bien encore en position verticale vers le haut pour faire de l’ombre juste sur le livre qu’on lit dans son transat.
Le nombre de plantes sur un balcon est souvent restreint par manque de place, aussi, on les sélectionnera avec soin en respectant ce principe de multifonctionnalité. Optez pour des plantes « couteaux-suisse » plutôt que le classique géranium ou la dernière plante à la mode sur-aspergée de pesticides en tout genre (comme le sont la grande majorité des plantes de jardineries et des étals de marchés). Par exemple, en optant pour un assortiment de plantes aromatiques, vous choisissez des plantes qui sont à la fois mellifères, comestibles, médicinales, parfumées et même cosmétologiques en plus d’être belles ! Cerise sur le gâteau, la plupart d’entre elles sont vivaces et vous en trouverez aussi bien pour les balcons ensoleillés que pour ceux plus ombragés !
Couplez ces plantes aromatiques avec des plantes tombantes (par exemple des couvres-sol indigènes comme le lierre terrestre, le lamier blanc, la lysimaque ou encore la bugle rampantes) pour cacher la balustrade.
Il existe bien d’autres plantes « couteaux-Suisse » qui peuvent se cultiver en pot et qui pourront venir égayer votre balcon en vous offrant bien plus que des jolies couleurs comme les lavandes, les capucines, les violettes, les calendulas, …
Chaque fonction est remplie par plusieurs éléments :
Pour obtenir un système résilient face aux perturbations, il est indispensable que chaque fonction essentielle soit assurée par plusieurs éléments différents.
Une fonction essentielle pour les plantes d’un balcon, c’est l’arrosage ! D’autant plus pour des plantes en pots dont le volume de terre est limité et du coup bien plus soumis aux déficits hydriques.
Pour faire en sorte que cette fonction soit bien assurée, on ne va pas miser que sur notre âme de jardinier dévoué pour la corvée arrosage, on va multiplier les éléments qui vont nous aider dans cette fonction soit en récoltant l’eau, soit en l’économisant :
- Récolter au maximum l’eau de pluie (gouttière reliée à une citerne d’eau, seaux, sous-pots, …).
- Choisir des pots de plus grand volume qui contiendront plus de terre et donc plus d’eau et un meilleur pouvoir tampon (attention au poids maximum supporté par votre balcon).
- Optez pour des jardinières avec réservoir d’eau, ou mieux, confectionnez votre wicking bed (jardinière autonome en eau) à partir d’une vielle bassine de récupération.
- Utilisez un substrat riche en compost qui retient mieux l’eau, vous pouvez aussi incorporer quelques fragments de charbons.
- Protégez vos pots du soleil qui les réchauffe et augmente l’évaporation de l’eau (cache pots, emplacement pied à l’ombre, …).
- Couvrez la terre de vos pots avec du mulch (paillettes de miscanthus, écorces de pin, cosses de coco, billes d’argile, …).
Travailler avec la Nature plutôt que contre elle :
La base de la permaculture réside dans l’observation et l’imitation de la nature, on ne lutte pas contre elle, on collabore avec elle.
Si vous observez que les feuilles de votre plante se décolorent avant de brunir, c’est certainement qu’il est urgent de la changer de place pour la mettre plus à l’ombre ! Il est essentiel pour la survie de vos plantes de balcon de respecter leur nature et de les installer à un emplacement qui leur convient.
Les achats de plantes ne se feront donc pas sur un coup de cœur mais bien de manière réfléchie et en fonction de critères primordiaux à respecter qui sont l’exposition (soleil, ombre, mi-ombre), la présence ou l’absence de courants d’air et la taille du contenant.
Un autre critère de sélection de plantes pour travailler avec la nature à la beauté et à l’hospitalité de votre balcon est leur période de floraison. Prolongez le plus possible la présence de fleurs sur votre balcon en optant pour des plantes dont les périodes de floraisons sont différentes. Jouez aussi avec les différents feuillages que la nature vous propose : panachés, argentés, pourpres, …
Pour travailler avec la nature on va également privilégier les associations de plantes qui se protègent mutuellement et on va bannir les pesticides. Soyez d’ailleurs attentifs lors de l’achat de vos plantes de balconnière car elles sont souvent abondements pulvérisés pour paraître impeccable sur leurs étals. À moins d’aller chez un bon pépiniériste respectueux, privilégiez les plantes vivaces ou effectuez vos semis d’annuelles vous-même, sinon vous risquez d’offrir un bouquet mortuaire aux butineurs de votre balcon.
Il n’y a pas qu’avec les plantes qu’on peut travailler avec la Nature, que du contraire !
Par exemple, plutôt que d’installer un climatiseur consommateur d’énergie dans votre salon, empêchez le soleil d’y entrer avec un climatiseur végétal. Dans mon exemple, la vigne sur sa treille apporte de l’ombre et de la fraicheur (via l’évapotranspiration) sur le balcon ce qui en fait naturellement baisser la température de plusieurs degrés lors des canicules mais elle le fait aussi dans votre intérieur puisqu’elle est idéalement située devant la porte-fenêtre du salon.
Faire le plus petit effort pour le plus grand changement :
Avant de réaliser un changement, il faut réfléchir à l’effet produit. Idéalement, la taille du changement doit être inversement proportionnel à l’effet qu’il va produire sur le système.
Votre balcon n’est pas très grand et vous avez beau chercher, aucun emplacement n’est suffisamment ensoleillé pour faire un mini-potager dans un wicking bed sans piquer l’emplacement du chien. Le soleil est à gauche le matin et à droite le soir. Pour avoir plus de soleil tout au long de la journée, on pourrait abattre l’immeuble voisin qui fait de l’ombre… ou simplement équiper le wicking bed de bonnes roulettes pour pouvoir le déplacer au soleil tout au long de la journée sans déranger la sieste de Médor.
Sur un balcon de petite taille il faut penser modulable !
Le problème est la solution :
La stabilité, la richesse et la résilience d’un système repose sur la connexion entre ses éléments. Si un problème survient, c’est qu’il manque une connexion à certains éléments. Pour le résoudre, il faut relier l’élément qui pose problème à un autre afin que le problème de l’un devienne la solution de l‘autre.
Malgré les supers aménagements que vous avez fait sur votre balcon qui contient maintenant un mini potager, moultes plantes aromatiques et un climatiseur pourvoyeur de raisin, vous restez en manque de mettre les mains dans la VRAI terre et d’avoir à disposition un jardin ! C’est un problème et je vous comprends !
Et comme tout problème, celui-ci peut être résolu en établissant des connexions…
Il y a très certainement dans votre entourage (famille, amis, voisins, …) quelqu’un dont le problème est qu’il possède un jardin dont il n’a pas le temps/l’envie/l’énergie pour s’en occuper. Votre problème est donc sa solution ! Si vous ne trouvez personne, n’hésitez pas à vous renseigner auprès de votre commune, elles mettent de plus en plus à disposition des services « citoyens » qui pourront vous renseigner vers ce genre de personne demandeuse d’un coup de pouce ou vers un jardin collectif (qui attend peut-être votre impulsion pour voir le jour) !
Pour conclure, n’hésitez pas à appliquer ces principes dans votre vie de tous les jours,
laissez-vous inspirer par la Nature !
Votre coach,
Harmony
PS : Vous souhaitez jardiner avec la Nature plutôt que contre elle ? Je peux vous y aider avec mes ateliers « le jardinage au naturel » que je donne tout au long de l’année à Marneffe. Et pour apprendre tous les bienfaits des plantes aromatiques et autres plantes de nos jardins, je vous donne rendez-vous en été pour les ateliers « les bienfaits des plantes ».
Merci pour cet article très intéressant. Il ouvre un autre regard sur les balcons et aussi les terrasses.